Dans les années passées, les habitants de la commune de Saint Nizier de Fornas vivaient essentiellement de l’agriculture mais aussi, pour beaucoup, en travaillant le fer : la serrurerie. Puis les armes de chasse vinrent succéder aux serrures.
Certains armuriers travaillaient à temps complet en passant toute la journée à l’atelier. Pour d’autres (les petits paysans ne possédant qu’un petit lopin de terre ) le travail sur les armes était un complément de revenu. Ils se consacraient aux armes surtout l’hiver, lorsque les récoltes étaient rentrées. Il n’était pas rare de trouver des personnes cumulant plus de deux emplois pour faire vivre leur famille : cantonnier, sacristain, croque-mort, débardeur forestier (bigan), carrier à l’extraction du basalte près des hameaux de Blé et de La Roche, employé à la pépinière (arbres résineux) des Eaux et Forêts au hameau du champ…
Les différentes étapes de la fabrication du fusil de chasse.
Les petits fabricants d’armes de chasse étaient stéphanois. Ils achetaient à Saint-Etienne les canons des fusils aux canonniers et, également les bois des crosses. Les pièces détachées formant le mécanisme du fusil étaient usinées dans de petits établissements. (St Bonnet et St Nizier au lieu-dit La Coide (Les Rivières))
Ce sont ces petits établissements qui fournissaient « Les garnis » (canons alésés + pièces) aux basculeurs. Après le basculage, intervenaient d’autres ouvriers pour d’autres opérations : le montage du bois (boiseur), l’équipe faite par l’équipeur (réunion bois et acier), le bronzage, la trempe, le quadrillage (effectué par des femmes généralement), la gravure réalisée par de véritables artistes formés à l’Ecole des Beaux Arts de Saint-Etienne, le chromage, le vernis (exécuté par une vernisseuse), la finition : remontage, divers travaux de polissage, lustrage et de derniers réglages, sans oublier le passage au banc d’épreuve au chef-lieu du département.
Au final, on obtenait un produit purement artisanal. On pouvait retrouver dans l’ouvrage terminé la précision, la qualité, la beauté et tout le savoir-faire de chaque intervenant dans le processus de fabrication.
En bout de chaîne, le fabricant commercialisait l’arme. Souvent, le chef d’établissement ne se contentait pas de suivre la fabrication et de vendre, il travaillait aussi dans son atelier.
Le basculeur : montage de la bascule
Les armuriers de Saint-Nizier et des alentours étaient des spécialistes pour ce genre de travail. Saint-Nizier et les communes voisines comptaient un très grand nombre d’armuriers et surtout des basculeurs.
L’ouvrage du basculeur consistait à monter, à adapter et faire fonctionner la bascule et le canon. Les multiples pièces du mécanisme étaient donc ajustées avec précision.
Cette tâche d’assemblage demandait de la minutie, de la patience et de la rigueur. Un bon armurier basculeur se devait d’être perfectionniste, il se distinguait par la manière de se servir d’une lime. L’acier ne devait pas être arraché grossièrement, mais limé avec dextérité, afin de polir la pièce au millimètre près pour que l’arme soit fonctionnelle.
La sous-garde
On n’oubliera pas de parler des sous-gardes fabriquées au hameau de La Chaux, commune de Saint-Nizier. Le limage des sous-gardes occupait des ouvriers à domicile.
L’atelier
L’armurier travaillait à domicile dans un petit local, seul ou avec quelques compagnons. Souvent les agriculteurs/armuriers aménageaient l’atelier à proximité, voir dans une partie de l’étable (l’atelier et l’étable étant alors contigus, la chaleur apportée par les animaux était un avantage lorsque les hivers étaient rigoureux).
La basane
C’était le vêtement professionnel de l’armurier. Elle se composait d’un rectangle de grosse toile bleue. La toile, achetée au mètre, (chez un commerçant ou sur le marché à Saint-Bonnet le Château) était ourlée. Des liens étaient cousus. (croisés au dos – attachés à la taille). Ce tablier était confectionné, reprisé, raccommodé par les femmes.
Des sabots (los esclops) ou des galoches, portés par l’ouvrier, assuraient la protection des pieds.
Una botja
Il s’agissait d’un sac de toile grossière pour transporter les canons ou les pièces des fusils. Ce genre de sac servait pour le ramassages des pommes de terre (los trufes) ou des pommes de pins (les babets), pour l’approvisionnement du charbon…
Pièces constituant le fusil de chasse – Leur appellation
Le canon – La crosse – La bascule – Le pontet – Le devant – La sous-garde – La détente – La gâchette – Les chiens – Le guignol – Le percuteur – La clé – Les vis – Les vis de clé – Les ressorts – Les ressorts de clé – Les plaques – La goupille – La culasse – Les joints – Les joints de culasse – L’arrache cartouche – La plaque de couche – La bretelle –
Matériel et outillage
L’étau, fixé sur un banc de bois, sorte d’établi fait par le menuisier du village,La perceuse, machine fonctionnant à l’aide d’une pédale,Le lapidaire actionné à la manivelle (pour meuler),La forge, les marteaux, les maillets, les burins, les mèches, les tarauds, les fraises, l’huile, la burette, les goupillons, de la toile émeri, des pinces, des tenailles, la scie à métaux, la chignole, le vilebrequin, la petite lampe à huile pour faire plaquer le fer avec le noir de fumée (lo chalelh) ,L’enclume, la bigorne (enclume à 2 têtes), les mordaches et l’outil primordial LA LIME.
Les limes
L’armurier devait disposer de tout un éventail de limes pour travailler : petites, moyennes ou à grosses entailles, de forme plate, ronde ou triangulaire, la râpe, la queue-de-rat, la queue-d’aronde, le tiers-point…
Tout cet outillage trouvait sa place, sur le banc à proximité de l’étau.
On ne peut pas parler limes sans évoquer les tailleurs de limes au hameau de la Bruyère commune d’Aboën. Cette famille était connue et réputée pour la qualité et la solidité de sa fabrication. Pour renouveler ses outils on partait donc jusqu’à la Bruyère, généralement à pied, petite excursion d’un dimanche après-midi, le matin étant réservé à la messe. C’était l’occasion de rencontrer d’autres personnes venues s’approvisionner. Tout en choisissant on échangeait les dernières nouvelles. Le choix terminé, on se dirigeait vers la pièce commune, la cuisine. « Asseta-vos » . La fille de la maison filait à la cave pour tirer une chopine. Mais le plus important restait à faire : l’addition. « Teira-lo » demandait l’ainé. Il additionnait et son frère cadet recomptait. Parfois, le client était invité à vérifier. Et l’on sortait le portefeuille, suivait alors le comptage des pièces, des billets. Puis, en buvant le traditionnel canon, on faisait un brin de causette. Car il fallait bien un petit canon pour repartir « vé » St Nizier. « A reveire » – « A un autre cop » – « A l’an que ven « .
On reprenait les chemins caillouteux « Lo chamin « , parfois même on coupait à travers champs et bois.
Les mots en italique sont des mots patois écrit phonétiquement.